Batteries : préparer l'après-lithium

Les défis technologiques pour concevoir des batteries toujours plus petites, plus légères et moins chères sont de taille – mais ils ne sont pas insurmontables.

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Si l’énergie verte doit un jour se substituer aux combustibles fossiles, l’énergie portable doit devenir plus efficace et moins chère.

À l'heure où la puissance des appareils électroniques augmente et que leur taille diminue, les batteries ont du mal à suivre le rythme. Cela est dû en particulier à l'évolution des batteries lithium-ion. Elles sont certes légères, mais il est de moins en moins facile d'augmenter leurs performances énergétiques tout en réduisant leur prix.

Venkat Srinivasan, un des grands noms de la recherche sur les batteries et directeur de l'Argonne Collaborative Center for Energy Storage Science (ACCESS), n'a pas son pareil pour comprendre les problèmes, mais aussi les solutions possibles dans ce domaine.

« Beaucoup de constructeurs automobiles produisent des voitures électriques ayant une autonomie de 300 km. Les coûts ont baissé, mais leur défi essentiel reste toujours le prix trop élevé des batteries, » explique-t-il. « [Les véhicules électriques] sont ainsi plus chers que des modèles thermiques comparables. Nous devons trouver une solution pour baisser le coût des batteries. » Ce problème ne se limite pas qu'aux voitures.

Il concerne aussi les maisons. Alors que dans certaines zones du réseau de distribution d'électricité aux États-Unis le prix des batteries lithium-ion est compétitif, par exemple en Californie où il est moins cher que de construire de nouvelles lignes sur de longues distances, ces batteries restent néanmoins trop onéreuses pour le propriétaire lambda.

« Si je veux installer des panneaux solaires sur le toit de ma maison et des batteries dans mon garage, alors ces batteries doivent être suffisamment bon marché, de l'ordre de 50 US$/kWh (44 € env.), voire de 30 US$/kWh (26 € env.) pour les états où l'électricité est très peu chère, » continue Srinivasan. « Le problème à l'heure actuelle est que les batteries coûtent 200 US$/kWh env. (175 €). Les prix doivent donc être divisés par quatre ou cinq. »

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L'importance des matériaux

La solution consiste à améliorer progressivement les batteries lithium-ion en trouvant des moyens d'augmenter leur capacité de stockage, sans que leur coût s'envole, sans pour autant négliger le potentiel d'innovation de nouveaux matériaux.

Les procédés à état solide sont un de ces axes de recherche. Il s'agit de remplacer les batteries à électrolyte liquide par des solides.

Srinivasan explique que ces dispositifs sont moins dangereux

car une batterie lithium-ion qui surchauffe peut s'enflammer facilement. Les versions à l'état solide les plus stables étudiées à ce jour reviennent un pas en arrière, à ceci près qu'elles sont rechargeables.

«Il y a 20 ou 30 ans, tout le monde portait une montre avec une pile lithium métal. Même chose pour nos lampes de poche et nos appareils photo. Mais ces piles n'étaient pas rechargeables»,  poursuit Srinivasan.

Recharger des piles à l'état solide provoque en effet l'apparition de dendrites, autrement dit de petites aiguilles, dans le lithium, ce qui finit par court-circuiter la pile qui peut surchauffer et prendre feu. Pour comprendre comment contourner le problème, comparons les dendrites aux racines d'un arbre.

«Il est possible d'arrêter la croissance d'une racine: il suffit de placer une grosse plaque de métal devant elle et le tour est joué. De même, on peut trouver des matériaux offrant une résistance mécanique très élevée et les intégrer à une pile pour bloquer la croissance d'une dendrite. Mais les chercheurs sont confrontés à un problème récurrent, la faible conductivité du matériau utilisé», déclare Srinivasan.

Cela pourrait changer avec la découverte faite il y a quelques années par des scientifiques au Japon de verres à base de sulfites. Ces matériaux sont non seulement suffisamment solides pour résister aux dendrites, mais présentent une très bonne conductivité. Est-ce la solution pour contourner le problème et mettre au point des batteries rechargeables au lithium à l'état solide?

«Nous modélisons leurs caractéristiques mécaniques et électrochimiques pour voir s'ils peuvent atteindre la puissance volumique nécessaire», explique Srinivasan. «Nous nous sommes aussi penchés sur l'aspect économique pour essayer de savoir combien coûtera à l'avenir une batterie. Si nous arrivons à fabriquer une batterie lithium métal avec une anode en lithium et une cathode en verre à base de sulfite, un matériau bon marché, alors nous pourrons atteindre la valeur mythique de 80$/kWh (70€ env.),

soit le seuil de parité entre les voitures électriques et à essence», précise Srinivasan.

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Explorer d'autres voies sans lithium

Srinivasan et d'autres chercheurs se penchent aussi sur d'autres possibilités à fort potentiel.

«Nous suivons des projets de R&D à long terme comme ceux portant sur des batteries au magnésium-ion. La charge du magnésium est de plus deux, c'est-à-dire qu'il peut stocker deux fois plus d'électrons que le lithium. Un grand avantage pour ce qui est de la puissance volumique et, peut-être même, au final, du coût. Mais il est difficile de trouver des matériaux qui sont de bons conducteurs pour ces ions», dit-il.

«D'autres recherches portent sur l'utilisation de l'oxygène pour la cathode, mais ce procédé atteint ses limites au bout de quelques cycles de charge et de décharge.»

Le succès de l'énergie verte repose grandement sur les batteries et cette technologie doit être abordable pour réussir. La tendance actuelle va clairement dans le bon sens, mais il faudra attendre encore longtemps avant que les batteries puissent rivaliser sur tous les tableaux avec les énergies fossiles en tant qu'accumulateur d'énergie.