L’émancipation de la voiture électrique

Les automobilistes ont de bonnes raisons de s’attendre à voir la borne de recharge remplacer bientôt la pompe à essence.

Le public du salon de Francfort 2019 a pu avoir un avant-goût du futur où la borne de recharge remplacera la pompe à essence.

Les modèles les plus en vue de cette semaine placée sous le thème de «Driving Tomorrow» qui a également attiré des centaines de militants pour le climat avaient tous une chose en commun: ils étaient entièrement électriques.

Les constructeurs automobiles ont multiplié la présentation de nouvelles technologies afin reverdir leur image. Parmi elles se trouvaient une nouvelle génération de blocs de batteries, des piles à combustible à hydrogène et même une voiture de rallye entièrement électrique.

Il ne faut toutefois pas se leurrer, la facture va être salée pour dire adieu au moteur à combustion. Mais le secteur de l’automobile ne manque pas non plus de raisons pour se mettre à l’écologie. En Europe et en Chine, les constructeurs sont en effet amenés à respecter de nouvelles normes environnementales Au risque de s’exposer à des amendes salées. Les entreprises continuant de produire des voitures non électriques vont quant à elles être soumises à une pléthore de nouvelles règles relatives aussi bien à l’efficacité énergétique qu’aux budgets alloués à la recherche et au développement. 

Même ainsi, la route vers une mobilité zéro émission ne sera pas un long fleuve tranquille. Le prix des véhicules électriques (VE), par exemple, est encore trop élevé pour convaincre de nombreux conducteurs à se détourner des voitures traditionnelles à combustion.

Les infrastructures, ou plutôt leur manque, sont également un facteur de ralentissement. Au cours de la décennie à venir, le réseau de distribution d’électricité actuel tirera très certainement la langue face à l’arrivée de millions de VE avides d’électricité. Les investissements devront être revus à la hausse. On estime en effet à 3 000 milliards de dollars le coût de la transformation de l’infrastructure de transmission au cours de la décennie se terminant en 20261.

Passer à la vitesse supérieure

La mobilité électrique est en train de monter en puissance. Selon l’Agence internationale de l’Énergie, 5 millions de VE étaient recensés dans le monde en 2018, contre 2 millions l’année précédente. Cela correspond à une économie de 36 millions de tonnes d’émissions liées au CO2 dans l’atmosphère. 

D’ici 2030, un total de 18 millions de VE pourrait sillonner les routes rien qu’en Chine et en Europe, soit plus que la flotte de voitures à essence et diesel2.

À première vue, ces chiffres peuvent paraître optimistes. Mais on aurait tort de négliger l’influence de législateurs intransigeants et de l’arrivée de nouvelles technologies.

Par exemple, depuis janvier dernier, la Chine a interdit les investissements dans de nouvelles usines de moteurs thermiques. Le premier marché des VE au monde mise ainsi sur les aides existantes pour accélérer l’acceptation des voitures électriques.

Quant à l’Europe, le deuxième marché mondial, elle a également introduit de nouvelles normes strictes concernant les émissions. Chaque constructeur automobile doit à présent plafonner les émissions de tous ses modèles à 95 g de CO2/km en moyenne d’ici fin 2020, soit près de 20% en deçà du niveau moyen en 2018. Cette limite passera à 81 g en 2025 et à 59 g en 2030.

Et malheur à ceux qui ne respecteront pas les règles du jeu: l’amende par véhicule s’élèvera à 95 € par g/km au-dessus de la limite. Les constructeurs automobiles qui n’arriveront pas à réduire leurs émissions de CO2 par rapport à 2019 s’exposent à des amendes de plusieurs milliards d’euros par an.

L’innovation au service de l’autonomie

Les innovations technologiques jouent un rôle tout aussi important que la réglementation dans ce changement et pas uniquement parce qu’elles sont essentielles pour faire baisser le prix des VE.

Les progrès sont ici encourageants.

D’ici 2025, la plupart des VE seront surement moins chers à l’achat que les voitures conventionnelles3.

Ils seront d’autant plus intéressants du point de vue financier par rapport à aujourd’hui, car les frais de fonctionnement d’un VE ne représentent qu’une fraction de la facture d’entretien d’une grosse cylindrée4.

La baisse du prix des VE s’accompagnera d’un accroissement de la production, ce qui à son tour démocratisera les technologies innovantes.

Les progrès faits par la technologie des batteries lithium-ion sont particulièrement impressionnants: leur coût a baissé de 90% au cours des dix dernières années et on s’attend à une nouvelle baisse de 47% entre aujourd’hui et 20245.

En parallèle, les constructeurs augmentent régulièrement la teneur en nickel des éléments de batterie pour améliorer leur capacité, réduire leur poids et augmenter l’autonomie des VE. Le coût d’une batterie de type NMC622 a ainsi été réduit de 20% depuis 2016 pour atteindre 112 €/kilowatt heure (kWh)6.

Dans un avenir proche, la prochaine génération de type NMC811 devrait permettre aux VE de dépasser largement la barre des 500 km d’autonomie pour un coût de 69 €/kWh.

Les chargeurs de batterie gagnent également en rapidité afin que les automobilistes puissent reprendre rapidement la route.

Certains des nouveaux superchargeurs ont une puissance de 250 kW, par rapport à l’offre actuelle comprise entre 3 et 200 kW. Autrement dit, cinq minutes de charge pourraient permettre de faire jusqu’à 120 km. Et, en Allemagne, un nouveau réseau de bornes devrait avoir une puissance de 350 kW.

Quant à la prochaine génération d’améliorations, elle est possible, mais plus difficile à atteindre.

Les chargeurs ultrarapides nécessitent en effet une puissance d’entrée qui correspond aux besoins en électricité de 60 foyers moyens maximum7. Ils utilisent le courant continu (CC) pour alimenter rapidement la batterie. Autrement dit, ils doivent d’abord convertir le courant alternatif (CA) fourni par le réseau électrique en CC,

ce qui ne peut se faire sans des progrès au niveau de l’électronique de puissance et des systèmes de semi-conducteurs.

Une fois que ces technologies seront totalement viables, elles seront combinées à l’utilisation de nouveaux matériaux (voir ci-dessous) afin de rendre les VE plus propres et encore plus puissants.

Ainsi, un avenir placé sous le signe de la propulsion électrique deviendra du domaine du possible, ce qui poussera les moteurs à combustion interne vers la voie de garage.

[1] Northeast Group
[2] Bloomberg New Energy Finance (BNEF)
[3] International Council on Clean Transportation, avril 2019
[4] Recharger en électricité pour faire 500 km coûte environ 5 €, soit un dixième de l’essence ou du diesel.
[5] BNEF
[6] Cathode de nickel-manganèse-cobalt composée de 60% de nickel, 20% de manganèse et 20% de cobalt. Source: P3
[7] Pour un contrat d’approvisionnement en électricité moyen de 6kW
  1. Le SiC, la star des matériaux

    Le carbure de silicium (SiC) est l’un des nouveaux matériaux adoptés par les constructeurs automobiles pour booster les performances des VE. Découvert pour la première fois dans une météorite vieille de 4 milliards d’années, ce composite cristallin durable de silicone et de carbone permet aux moteurs électriques de fonctionner avec des tensions plus importantes lorsqu’il remplace le silicone dans un semi-conducteur. 

    Par rapport aux appareils au silicone, les applications haute tension utilisant le SiC sont plus petites, plus rapides et plus performantes. Elles sont aussi en mesure de réduire de moitié le temps de charge et d’augmenter de 20% maximum l’autonomie des véhicules8.

    On s’attend donc à ce que les constructeurs automobiles internationaux voient leurs besoins en SiC augmenter de plus de 60% (taux de croissance annuel composé) entre 2018 et 20309.

    [8] Repose sur un onduleur en SiC de Delphi Technologies avec des systèmes électriques de 800 V max.; Goldman Sachs SIC research, novembre 2018
    [9] Goldman Sachs SIC research, novembre 2018

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