La mode se met au vert

Le secteur de la mode commence à revoir sa copie et à se tourner vers le développement durable.

Paris Fashion Week, automne 2019. Des mannequins dans des robes fluides aux motifs floraux et des chemisiers vert mousse aux manches festonnées défilent sur le podium dans le Grand Foyer du Palais Garnier.

Les vêtements de Stella McCartney sont aujourd’hui observés vraiment sous toutes les coutures, et pas uniquement par les stylistes et les influenceurs toujours à l’affut des dernières tendances. Les consommateurs et le secteur de la confection au sens large regardent en effet du côté de cette créatrice anglaise du fait de son engagement envers une mode durable. Ses efforts pourraient aider cette branche à réduire son empreinte environnementale qui, elle, fait moins rêver.

Plus de 75% de la collection de prêt-à-porter de la styliste sont fabriqués à partir de tissus zéro impact comme du nylon régénéré obtenu à partir de déchets de plastique et de viscose issue de forêts gérées de manière durable.

«Le monde entier appelle au changement et il relève de notre responsabilité d’agir maintenant», déclare la créatrice dans un message distribué sur chaque chaise pour son défilé. «Comme toute entreprise, nous sommes un élément du problème... Mais nous repoussons nos limites tous les jours afin de trouver des solutions qui existent déjà dans un secteur en mal de changement.»

Stella McCartney n’est toutefois pas seule. Face à la pression des consommateurs, un nombre croissant de marques découvre le développement durable. Le monde retient son souffle pour voir si des technologies comme les matériaux recyclés, l’impression 3D et le blockchain vont réussir à transformer ce secteur qui vaut 2 500 milliards de dollars.

Élégance et déchets

La réputation de la mode a été entachée récemment lorsque des grandes marques de luxe dont Burberry et Cartier ont admis brûler ou détruire des invendus afin de maintenir leur prestige et l’exclusivité de leurs produits en jouant sur leur rareté.

Le tollé que cela a suscité auprès du public a montré qu’il était grand temps que ce secteur fasse peau neuve.

La mode est en effet une activité incroyablement gourmande en ressources depuis la production du coton ou de la soie en passant par la fabrication jusqu’à l’élimination en fin de vie.

L’analyse de Mega réalisée à l’aide du cadre des limites planétaires (LP) révèle que le secteur produit 1,7 million de tonnes d’équivalent CO2 par million de dollars de chiffre d’affaires annuel tout au long de sa chaîne de valeur. Ce niveau est neuf fois supérieur à ce que ce modèle considère comme durable pour notre planète.1

Un rapport de la Commission économique de l’ONU pour l’Europe datant de 2018 a révélé que l’industrie de la confection envoie chaque année 85% des textiles, soit 21 milliards de tonnes, à la décharge. Cela représente un camion-poubelle par seconde.

«Si nous ne renversons pas la vapeur, la mode va continuer d’être un contributeur majeur au changement climatique et augmenter le risque de ne pas atteindre l’objectif fixé par l’Accord de Paris, celui d’une augmentation maximale des températures du globe à 1,5°C d’ici la fin du siècle en cours», déclare un rapport du Global Fashion Agenda, un groupe de pression situé à Copenhague.

Un pacte pour le futur

Face à la forte pression exercée par le public, l’industrie prend maintenant des mesures pour améliorer ses performances sociales et environnementales.

Cela prend par exemple la forme du Fashion Pact qui rassemble 150 grands noms internationaux de la mode, dont Stella McCartney, Chanel, Nike et Hermès.

Dans cet accord conclu en août 2019, les signataires s’engagent à atteindre des objectifs scientifiquement fondés dans trois domaines.

L’innovation du upcycling

Plus les consommateurs achètent, plus le chiffre d’affaires des entreprises de la mode augmente rapidement.

Voici en bref le business model de la mode jetable, si lucratif depuis des années.

Mais aujourd’hui les grands acteurs reconnaissent que la mise en place de pratiques durables peut aussi s’avérer lucrative.

Une étude du Global Fashion Agenda montre qu’investir dans une utilisation efficace des ressources, la sécurité au travail et les matériaux durables peut augmenter la rentabilité de 1 à 2 points de pourcentage pour la marge BAII d’ici 2030.

De son côté, la Fondation Ellen MacArthur estime que transformer la conception, la commercialisation et l’utilisation des vêtements peut dégager 500 milliards de dollars d’opportunités économiques.2

La course est ouverte pour mettre au point des tissus durables afin de réduire leur prix environnemental.

Par exemple, la filature italienne Aquafill a mis au point l’Econyl, un matériau breveté réalisé à partir de déchets industriels comme des filets de pêche. Utilisé par de grands noms de la mode comme Stella McCartney, Prada et Breitling, le fil Econyl émet tout au long de son cycle de vie 58% de gaz à effet de serre en moins par rapport au nylon neuf fabriqué à partir de matières fossiles.

Par ailleurs, de plus en plus de créateurs commencent à remplacer le plastique par des matériaux modernes à base de bois comme le cupro, la viscose, la rayonne, le tencel et le lyocell.

La technologie joue également un rôle central. La marque allemande de chaussures, Adidas, a lancé une collection de baskets durables dotées de semelles intercalaires personnalisées grâce à l’impression 3D et qui utilisent le plastique polluant les océans. De son côté, LVMH a recours au blockchain pour suivre et authentifier ses produits. L’entreprise espère ainsi améliorer ses produits, identifier les surplus et minimiser les déchets avant-vente tout au long de sa chaîne d’approvisionnement.

«La mode éthique va déjà de soi pour la nouvelle génération», a déclaré Stella McCartney au magazine Vogue.

«Le temps est venu maintenant de regarder ce que nous pouvons faire et comment la technologie peut nous sauver.»

[1] Les Limites planétaires (LP) sont un modèle mis au point en 2009 par un groupe de scientifiques du Stockholm Resilience Centre et d’autres organisations renommées. Le cadre LP identifie neuf dimensions environnementales critiques essentielles pour maintenir une biosphère stable nécessaire au développement et à la prospérité de l’humanité. L’empreinte environnementale par million de dollars de chiffre d’affaires annuel est calculée en utilisant l’évaluation du cycle de vie de la Carnegie Mellon University.
[2] A New Textiles Economy: Redesigning fashion’s future, Ellen MacArthur Foundation

 

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